Lire, Francia, Abril de 2010
Por T.S
Journaliste et écrivain irlando- américain, T, J. English s’est fait une spécialité du crime organisé, dont il explore les multiples facettes depuis deux décennies. Après avoir enquêté parmi les gangs de Chinatown, reconstitué l’histoire de la pègre irlandaise et participé aux scénarios de la série NYPD Blue, il s’est intéressé à un «haut commandement économique» passé à la postérité sous le nom de Havana Mob – la mafia de La Havane. Son essai, aussi passionnant qu’un thriller, reconstitue l’époque où tout un pays fut abandonné à la pègre américaine par un dictateur complice, le président Fulgencio Batista. Les figures «les plus importantes du milieu», Charles «Lucky» Luciano, Meyer Lansky, Santo Trafficante et Albert Anastasia débarquent à Cuba à la fin des années 1940. De 1952 à 1959, la capitale cubaine connaît un essor prodigieux, se couvre d’hôtels de luxe, de casinos tape- à-l’œil, de champs de courses, de clubs de strip-tease, de cabarets clandestins. A la veille des années 1960, Cuba figure, note English, «au troisième rang des nations mondiales en termes d’investissement US».
L’île des Caraïbes devient la Riviera des riches Américains, attirés par «l’opulence de la chair et l’exubérance des lieux de sortie». Sans oublier la musique. «Danse officielle de la pègre», le mambo fait fureur. Le Tout-Hollywood participe aux chaudes nuits cubaines. Actrices et chanteurs en vogue s’affichent avec les seigneurs du crime, constitués en véritable monarchie locale. Les politiciens aussi. English révèle qu’une orgie fut organisée en décembre 1957 en l’honneur du sénateur John E Kennedy. Ayant senti «son faible pour les dames», le truand Santo Trafficante «offrit à Kennedy un après-midi entier avec trois prostituées sublimes»… mais oublia de filmer la scène.
En 1959, le peuple recouvre sa fierté… Pour peu de temps
Pendant ce temps, la population cubaine, asservie, est livrée aux hommes de main de Batista Une poignée de guérilleros prépare la révolution. Un avocat charismatique, Fidel Castro Ruz, devient le cauchemar des caïds. English raconte à merveille la montée parallèle des deux phénomènes. Mafiosos contre barbudos… Sous un angle inédit, voici le décryptage de l’histoire contemporaine d’un peuple, qui recouvrera (provisoirement) sa fierté en 1959, avec la chute du tyran. Et la fuite des mafieux.
La suite est une autre histoire. Racontée à point nommé par le Cubain Amir Valle dans La Havane Babylone. «Avant 1959, date de la révolution, La Havane était surnommé «le bordel des Etats-Unis». Le régime communiste a interdit la prostitution tout en fermant les yeux sur sa pratique…», sommes-nous avertis dès les premières pages de cet ouvrage édifiant, qui demanda neuf années d’enquête. On doit ce livre, superbement écrit – et encensé par l’écrivain espagnol Manuel Vázquez Montalbán à sa sortie -, à un auteur de romans policiers, salué par le prix Mario-Vargas-Llosa en 2006. Egalement journaliste, Amir Valle agit en sociologue et livre une description précise de la réalité du pays depuis le début des années 1990. L’embargo américain sur Cuba, l’épouvantable gestion du gouvernement, puis l’arrêt de l’aide financière soviétique ont plongé l’île dans une nouvelle dépendance, celle des devises étrangères. Quel touriste (solitaire) n’a pas eu affaire à ces jineteras (cavalières, ou cavaleuses), désormais aussi fameuses que le mojito, le daïquiri ou les cigares Cohiba dans le folklore cubain? Un signe: le néologisme jineterismo est devenu synonyme de prostitution. Pour Valle, le phénomène ne touche pas que quelques jeimes femmes. Il en a interrogé cent vingt-cinq (dont les témoignages sont poignants). Selon ses statistiques personnelles, elles seraient environ 20 000, il y aurait le double de prostitués homosexuels et plus de 100 000 personnes profitant de ce commerce: hôteliers, taxis et… policiers corrompus. Mais les autorités n’encouragent pas le fléau, précise Valle. Quand l’armée organisait des rafles et renvoyait les «Mes» dans leurs villages, elles revenaient.. Le Parti se contente de minimiser le problème. Une situation alarmante, due à la misère absolue et paradoxale d’un pays surnommé autrefois 1’«île aux délices».
Lea aquí el pdf original: Cuba, bordel de L’Amérique